Il fait toujours beau, comme quand tu étais là. Je sais que tu me suis, et donc tu sais que j’avais réaménagé la maison pour accueillir les touristes. La place que tu n’occupais plus ne pouvait pas en effet rester vide longtemps, tu me connais, je suis une active. Cette place laissée dans notre grande maison de pierres blondes mais aussi dans mon temps, il fallut en vitesse l’occuper. J’avais donc coupé notre ancien foyer en trois. Un tiers pour moi et deux pour des passagers étrangers qui repartaient très contents.
Tu sais pour mon nouvel homme. Il était là pour m’aider. Il avait fait les plans comme un vrai architecte, effectué les demandes de devis, s’était renseigné, et avait fait le chantier en s’y investissant mieux que moi. Tu avais vite été remplacé et je ne pensais plus à toi. C’était à la même semaine où tu étais parti que notre histoire avait commencé.
J’avais attendu que tu partes pour aller le voir. Il ne me suffisait pas de nous savoir en rupture du moment qu’on était sous le même toit. C’est un collègue du boulot et je ne pensais pas que je l’intéressais. Ni lui ni les autres, jusqu’à ce que la horde d’hommes inattendus se montrent et se précipitent quand ils surent pour la séparation. Je ne pensais pas plaire à ce point, de plus à un entourage que je côtoyais sans penser qu’à toi. Mais oui, je n’avais pas souffert de notre rupture.
Tu n’avais pas laissé place au chagrin. Il fallait forcer la raison. Ecraser le cœur. Ne pas s’attarder et ne pas réfléchir. On était dans la même maison et plus ensemble depuis quelques semaines, mais on n’avait pas eu droit aux disputes comme deux personnes normales qui se sont aimés longtemps et qui se quittent. Tu étais là et je te regardais en me forçant de ne pas te voir. Je n’avais pas le droit de me comporter autrement. Je n’avais pas eu le droit aux doutes sur notre rupture. La négociation comme étape normale d’arrêt de relation. Essayer de te retenir n’était pas envisageable et ne m’avait pas traversé l’esprit. Je n’avais pas eu le droit au déni. Les pensées malheureuses. Les crises. Les grosses larmes. Les vraies. J’avais vécu une rupture anormalement calme et une suite rapide.
C’était de ta faute et grâce à toi… mais malgré tout, c’est revenu comme un aliment non digéré. Aujourd’hui, je repense à toi et je ne peux pas oser te demander si tu m’avais seulement aimée un jour. Car au final, il n’avait suffi d’ignorer et de passer à autre chose. Les malheurs non traités reviennent. Mais au premier abord ça semble réussi ma vie dans les Landes, ce lieu où j’avais déménagé de Paris pour toi, avec mon nouvel Homme.
C’est juste cette affaire que je me demande, si tu m’avais seulement aimée. Je regarde les murs qu’on avait achetés tous les deux et je presse mes neurones pour essayer de savoir seule si tu avais pensé une seule chose douce que tu me disais entre ces mêmes murs. Je ne peux pas te demander, toi, alors c’est moi seule qui essaie de deviner.
Et je me sens coincée car il fait bon, l’affaire de maison d’hôtes fonctionne bien, ma relation avec le nouveau est parfaitement bien… mais je ne peux résoudre un problème ancien. Je ne peux pas remuer le passé pourtant il me remue. C’est une histoire sale d’avoir fait ça. Tu m’avais quittée et en plus privée de vivre un temps de deuil comme n’importe quelle fille sortie d’une relation.
C’est un événement maléfique mais aussi un coup de pousse violent au passage à la nouvelle vie de savoir que son compagnon de dix ans avait rompu pour se mettre le soir même avec une autre.
Mais alors, comme je ne peux traiter ce mal, je suis dans la même maison qu’on avait achetée ensemble, grand sourire quand il y a des arrivées.