– Je vais te passer quelqu’un, tu vas voir c’est une surprise.
C’était sa cliente et son amie Anna qui lui dit ces mots, avec cette voix excitée et aigue qu’elle prenait à chaque fois qu’elle avait une nouvelle idée qui se révélait souvent stupide.
Céline avait posé le combiné sur son bureau avec indifférence, elle mit le haut parleur, sortit son petit Tupperware rempli de quinoa, de dès de tofu, le tout fait maison ce matin à six heures.
Céline était consultante dans une startup dont elle est elle-même la cheffe. Son appartement est plein sud, vue mer, refait par un architecte de Londres qui lui aussi était un client avec qui elle avait gardé bon contact.
Mais Anna était autre chose. Une cliente. Une amie. Un profit. Une sensue. Le tout à la fois et ce depuis dix ans maintenant.
Elle trouva original cette initiative de lui présenter quelqu’un par téléphone. Evidemment, elle avait autre chose à faire et Anna devait le savoir.
Mais elle fût agréablement surprise par cet homme au bout du fil. Il lu parlait comme s’ils se connaissaient et qu’ils s’étaient laissés hier.
Il avait de l’humour qui la fit abandonner ses idées et son repas. Il était pourtant posé, car il ne rigolait pas à ses blagues pourtant très marrantes. Céline était même certaine qu’il ne souriait même pas. Cet air très familier de lui parler finit par la gêner et elle se souvint qu’elle n’avait pas demandé qui il était.
-Ton amie voulait te faire surprise et nous faire reprendre contact. Je suis ton père.
Peut-être pour ne pas laisser transparaître de faiblesse à Anna ou à son père, elle ne savait pas, elle fit mine de s’intéresser. Elle lâcha une exclamation qu’elle voulait réjouie « ça va ? » au même temps que son tupperware.
Elle ne se jeta pas sur le téléphone pour raccrocher. Oui elle se retint jusqu’au bout. Elle en était au bout des larmes mais ne laissa rien transparaître.
Comment osait-il ? Comment osaient-ils tous les deux ?
Pendant qu’il continuait de parler, l’air sincèrement intéressé par des retrouvailles pour la connaître mieux, elle avait une tension due à une question plus lancinante que tout ce qui la travaillait en ce moment : Comment se fait-il qu’ils se connaissant tous les deux mieux que lui et moi ? »
Une jalousie, non, une haine était en train de la consumer en entier.
– Tu sais il est adorable, lui dit Anna quand elle reprit enfin le téléphone. Il est super cultivé. Tout le temps des anecdotes à raconter et sa fille, elle fait de la peinture comme toi.
– Sa fille ?
– Oui sa fille. Tu ne savais pas qu’il avait une fille. Une petite prodige comme toi.
Quand Céline était petite, son père la croyait presque attardée à cause de ses notes, sa sociabilité très basse, ses hobbies trop originaux, trop bizarres pour son âge.
Il l’avait abandonnée elle et sa mère pour prendre soin plus tard d’une demi sœur à son image sur laquelle il n’avait pas fait d’expériences paternelles foirées. Il était reparti de zéro, expérimenté et paternel. En effet, elle vit sur internet plus tard qu’après s’être entraîné sur elle, son père et sa demi-sœur étaient si proches qu’elle lui dédia des peintures. Elle faisait d’ailleurs beaucoup de portraits de famille. C’était une fille heureuse, équilibrée et réussie. Tout comme elle au jour où son père l’avait contacté d’ailleurs mais elle, elle n’avait pas souffert avant ça.
Céline était décidée, elle allait avec ses relations faire couler l’entreprise d’Anna. La galerie de sa demi-sœur. Et les espoirs de son père devenu ridiculement bon.