Ces derniers jours, j’ai l’impression d’être une actrice dans un film à tourner avec toi. Et c’est un cauchemar, le tournage n’arrête pas. Je ne me reconnais plus, je ne nous reconnais plus. On dirait l’histoire d’autres que nous, et de comment une femme heureuse est devenue insensible. J’ai peur aussi que tu tournes mauvais également après ce film.
Dès le premier jour, j’avais vu chez toi une personne simple et équilibrée. Saine, les idées douces et Nature. Personne n’a rien détourné chez toi ou fané. Tu es comme doté d’un bouclier. On sent que tu n’avais jamais vraiment souffert et j’en étais étonnée et ravie pour toi.
Je me suis dit peut-être c’est ton vécu à l’Aveyron. Est-ce que tu as peut-être un arc en ciel en tête ? Le vert adoucit les mœurs. Les chagrins. Les censures. Et peut-être même qu’il les interdit. Les raie complètement.
Tu as peut-être aussi en tête une sorte de sage qui s’étonne de tes choix. Mais tu l’ignores et tout ainsi se passe bien. Mais quand je vois comment tu tournes, j’avoue que j’y suis étrangère. Je me suis quand même plu et bien adaptée. Je n’ai jamais rien vu chez toi à appeler malveillant. Ce ne sont que résignation et aveuglement tendres. C’est tout simplement toi.
Tu es simple à comprendre et moi non. Sache, et j’en suis désolée, que tu ne sais pas grand chose de moi. Il est bien triste de se convaincre qu’on ne connaît pas cet autre avec qui on vit. Des fois, j’espère que je me trompe sur ce point mais c’est un espoir fou. Mais soyons sensés. J’ai vécu bien plus que toi alors comment veux tu comprendre ? C’en est trop à espérer. Je suis en effet bien mieux et bien pire que tout ce que tu avais pu pensé.
En effet, tu ne fais pas l’effort de chercher les non dits. Chez ceux qui t’aiment ou ceux qui au contraire te veulent du mal. Tu ne veux pas suivre le monde où nous vivons. Ce qu’on attend de nous et de ce que nous tenons. Pourtant tu ne manques pas d’intelligence ou de perspicacité. C’est juste que tu sais exploiter ces atouts là où tu ne te sens pas menacé. Tu préfères le monde que tu souhaites nous créer.
Jamais peut-être n’as tu pensé à ces choses que moi, il y a quelques semaines, j’avais attendue. On était bien à ce moment. On avait tout pour nous. C’était opportun. Et tu avais dit y penser, tu m’avais demandé de le dire, mais qu’est-ce qui t’as pris de me faire messagère de ça ? Depuis, je suis refroidie et tu ne peux voir pourquoi. Car c’est impensable pour toi que ce soit ça. Et peut-être même si un jour tu comprendras et tu voudras ces choses, moi je serai déjà partie loin.
Ce n’était pas une question de conventions et de doses. C’était une question de certitude de nous deux. De croire en moi, de croire en nous. De convictions et de mots que tu m’avais dits, qu’aujourd’hui j’ai l’impression, tu les avais dits pour pas grand chose entre nous.
N’entends-tu pas d’autres que moi s’impatienter ? Et tu le sais, ils vont nous séparer. Tu crois que c’est eux que je préfère sacrifier car ce serait juste. Je ne sais pas d’où tu sors cette justice. Tu avais une occasion et tu ne l’avais pas voulue. C’était opportun et on allait bien. Maintenant, en fait, je me sens trahie, voire humiliée, et je sais que ça te paraîtrait ridicule. Ton monde est un rêve fait de licornes qui volent sur l’Aveyron et moi je suis extrêmement loin de ces pensées.
Maintenant que je sais que tu n’y as jamais vraiment pensé. Quelque chose en moi, en nous, s’est cassé comme définitivement. Ton beau livre, je l’ai offert pour ne pas le déchirer. Il est un mauvais souvenir et notre naïveté aussi.
Je me sens en fait comme un objet et je sens que beaucoup d’ambitions sont sur moi. Les ambitions de chacun avec cet objet sont contradictoires. Toi d’un côté et eux de l’autre. Il se trouve que c’en est trop et je sais que tu penses que c’est ridicule, mais ça pourrait suffire pour me faire lâcher. Mes ambitions à moi sont simples, j’avais toujours voulu écrire mais tout le monde s’en fout.
Si tu ne m’avais pas blessée avec intention. Tu avais quand même tout autant réussi à m’abaisser quelque part. Tu m’avais envoyée comme messagère d’une chose que m’as mise en tête pour consoler d’autres que nous deux. Mais tu n’étais pas obligé ! Pourquoi bon sang, m’avais-tu fait ça ? Ce n’était pas intentionnel mais tu m’avais accablée face à des situations que toi, tu penses saugrenues et inoffensives. Tu avais négligé ce que ça faisait à moi.
Ca m’avait rappelé nos débuts, quand tu disais des conneries malgré toi. Et que je te consolais pour ne pas m’affoler. Comme un enfant qu’on ne juge pas. Là, en vrai, cette incapacité à t’adapter, de comprendre ce que je suis, d’où je suis venue, est devenue insolente. Pourquoi est-ce toujours à moi de m’adapter ?
Tu vois, il y a juste quelques semaines on était bien. Je m’imaginais avec toi et je m’imaginais tenir tête à tout le monde. Maintenant, je te vois avec beaucoup de recul. Et je crois que je te vois enfin vraiment. C’est étrange comme on se rappelle des choses seulement comme on les a vues à leur fin. Moi je sais je penserai toujours à toi comme à un homme-enfant. Ce n’est aucunement une critique. C’est un fait et c’est avec beaucoup d’amour que je repenserai à toi ainsi.