En la voyant en ce lieu, avec son tailleur cintré à rayures et sa coiffure aussi sauvage que soignée, on penserait à la parfaite femme entrepreneuse qui manque aux statistiques françaises.

C’est une lumière charismatique, elle brille d’intelligence, on pense à une réussite enviée, des jours de labeur épanouie et à une existence affreusement affranchie quand on la voit.

Lucien s’approche et ose lui proposer sa carte. Après tout, on est au salon de l’entrepreneuriat de Paris.

– Je désirais juste me trouver un partenaire dans les assurances, dit-elle d’un ton à la fois amical et distant.

Elle leva ensuite légèrement la tête avec un sourire radieux. En levant ainsi le menton, elle réussit à lui faire un regard supérieur, même hautain, malgré les trente centimètres qui hissaient Lucien au-dessus de la jeune femme.

– Cécile, consultante cheffe chantier ? Lit-il sur la carte qu’elle lui tendit.

– Oui, dit-elle avec une ironie assez nette mais quand même charmante. Comme si elle lui disait pour le taquiner, bravo, vous savez bien lire.

Ne sachant pas quoi dire au début, il finit par trop lui raconter de choses sur son travail, mais aussi les partenariats, l’immobilier parisien et de la province, les motards qui fument qui d’après lui sont les pires citadins du monde… mais aussi son chien qui était souffrant de quelque chose qu’aucun vétérinaire ne diagnostiquait exactement sous prétexte que les chiens ne parlent pas.

Pendant tout ce temps, elle écouta en réagissant de temps en temps, plus par politesse ou ennui que par réel intérêt.

Il avait le sentiment de la retenir de missions plus importantes qu’elle était venue faire, mais qu’elle était trop polie pour se déguerpir.

Elle était bien mieux que lui. Elle fallait s’y résoudre et ce fossé de maîtrise et de charme clouait de plus en plus Lucien à l’idée qu’il avait eu en l’apercevant. Cette idée simplement suggestive au départ de l’emmener peut-être dîner mais qui maintenant, était déjà carrément picotements et émotions au ventre.

Quand Lucien enfin eut respiré, elle lui sourit tellement agréablement que dans sa folie de sentiments, il fût sûr qu’il y avait bien une chance. Jamais il n’avait ressenti ça auparavant. Il était désespéré, il bénissait et maudissait au même temps son comptable qui l’avait conseillé de venir à cet événement.

Cécile regarda de son côté Lucien finir d’avaler la suite de la discussion qu’il a dû finir par trouver idiote, puis sortir ses mains moites de ses poches pour se frotter lamentablement les cheveux, et pensa qu’il était affreux et adorable au même temps.

Sa perspicacité ne lui permettait pas de ne pas voir qu’elle plaisait, mais jamais elle n’avait pensé une seconde ce jour que Lucien était en train de tomber amoureux. Là sur place, à l’événement le plus professionnel de l’année à Paris, dans une rencontre sensée être avant tout un business meeting.

Mais elle le regardait et savait déjà. Elle se voyait déjà emménager avec lui. S’occuper de son chien devenu le leur. Elle sentait déjà le manque qu’elle allait avoir de lui lors de leurs futures disputes, certainement causées par cette innocence provoquante émanant de lui.

Elle ne comprenait pas sa certitude, d’où elle émanait, qu’est ce qui la générait si fort à part qu’il lui avait bien plu.

Elle savait qu’ils auraient un jour une maison en Bretagne, un jardin et une clôture. Deux enfants peut-être et une pièce entière dédiée aux livres donc une vraie bibliothèque avec des vitrines et un escabeau pour monter aux plus hauts ouvrages.

Pendant que Cécile les voyait ainsi dans le futur, Lucien ne semblait pas vraiment croire à ce destin et en était déjà paniqué désespérément. 

Récit – Une rencontre

Post navigation


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *