La musique des serres
C’était trois heures. Déjà l’heure attendue qui était tout à fait là. Présente, palpante, qui sonnait même. Comme si elle était accompagnée d’un réveil.
Joseph avait la respiration qui était en train de s’accélérer. Pourquoi son Mentor ne prendrait pas le téléphone pour lui dire ce qu’il en était ?
Pour les idées lui venaient pas clairement ? Il était embrouillé, porté par cette attente urgente de ce quelque chose qui devait déjà arriver.
Un robot de la réception vint lui proposer sa ration du jour mais il le renvoyé.
Il avait pris une cigarette nerveusement. Il la mit au coin de la bouche. Il ne devait pas fumer surtout dans un hôtel. Les cigarettes étaient interdites depuis longtemps et il risquait gros à se trouver avec ça. Il se crispa avant de prendre sa décision et jeta la cigarette à nouveau dans le paquet, puis le paquet sur la table marbrée. Puis il se jeta sur le grand lit.
Il avait un nœud au ventre. Les lèvres séches. Tout était inconfortable dans ce lieu. Rien ne pouvait le réconforter à par cet appel. Il tapota des doigts sur le bord du lit. Comme pour rejouter son morceau. S’en remémorer. C’était presque désagréable.
Ce morceau lui faisait du mal. C’était presque une douleur. Un mal physique, et il le sentit se disperser de ses doigts jusqu’aux épaules, pour finir au cœur. Il soupira avant de lâcher un « putain » d’un ton bizarrement ironique, comme s’il se moquait lui même de sa douleur.
Il se leva en un seul saut et alla à la fenêtre. Tout était calme. Le ciel était noir comme l’avait toujours été depuis 125 ans maintenant. De jour comme de nuit. La substance qui avait émané des profondeurs de la terre, qui avait caché la lumière, qui avait refroidi ce monde en le rendant inhabitable, avait forcé les survivants à se convertir entièrement dans la médecine et l’ingénierie. Une ingénierie vaine qui essaie de rendre l’inhabitable exploitable. Plus aucune place pour un autre métier moins indispensable. Et lui seul peut-être ce soir, allait devenir le premier musicien depuis le temps de l’apparition de la substance.
Joseph sursauta. C’était le téléphone. Il s’approcha du combiné comme d’un danger imminent. Il le regarda longtemps avant de finir par le prendre. C’était bien son mentor. Il était en train de haleter de peur.
-Tu as la dispense !
Son mentor, docteur et chercheur, lui avait octroyé ce droit inattendu dont personne ne bénéficia avant lui.
-Tu avais tellement impressionné les décideurs ! Toute cette musique qui vient de toi. Tu composes sans jamais avoir écouté l’ancienne musique. Ils pensent que tu vas quand même œuvrer très utilement.
-C’est à dire ? Demanda Joseph d’un air soudain sceptique. Qu’y a t-il d’Utile dans de la musique ?
-Ils pense que ça ferait une inspiration.
-Pour les humains ?
-Non, pour les ingénieurs, les médecins, pour tous les humains, ce qui compte c’est de savoir survivre.
-Alors pour qui ?
– Pour les serres ! Ta musique sera écoutée dans les différentes serres aux sous-sols de la ville.
Son mentor partit dans une argumentation percée d’un manque de conviction. Il lui dit les conneries qu’il pouvait dire dans ces circonstances pour essayer de soulager, expliquer.
Joseph sera dispensé de produire. Mais il demeurera inécouté. Ses compositions seront à récolter dans des champs. Même pas. Ce seront les serres installées aux anciens égouts qui écouteront.